Alors que l’heure est à l’action climatique, l’entreprise envisage une importante expansion des combustibles fossiles
BOSTON, MA : La semaine précédant la présentation du rapport annuel de Chevron à ses actionnaires, le 31 mai, un nouveau reportage a révélé que les plans « zéro émission nette » de l’entreprise sont truffés de compensations de pacotille et qu’ils semblent écoblanchir un programme qui est susceptible d’aggraver les dommages à l’échelle mondiale.
Les principales conclusions du rapport de recherche intitulé « La Destruction est au cœur de tout ce que nous faisons : Le programme d’action climatique de pacotille de Chevron et son effet amplificateur sur le préjudice mondial » , publié par l’organisation à but non lucratif Corporate Accountability, révèlent que 93 % des compensations achetées par Chevron sur le marché volontaire du carbone pour « annuler » ses émissions au cours des dernières années s’apparentent à des camelotes, et qu’une grande partie (42 %) de ces compensations est liée à des allégations de dommages causés aux communautés et aux écosystèmes, en particulier dans les pays du Sud. Apparemment, près de la moitié des compensations carbone achetées par Chevron sur le marché volontaire du carbone pour cette période sont associées à de grands projets de barrages hydroélectriques qui n’entraînent pas de nouvelles réductions d’émissions. De plus, l’engagement « zéro émission nette » de l’entreprise ferme les yeux sur 90 % des émissions liées à ses activités.
La rhétorique « zéro émission nette » de Chevron semble n’être rien d’autre qu’un stratagème de relations publiques visant à empêcher une action climatique forte, tant que l’entreprise engrange des bénéfices records et prévoit d’accroître sa production ou son expansion dans au moins 20 pays » déclare Rachel Rose Jackson, directrice de la recherche et de la politique climatique chez Corporate Accountability. « Ces recherches viennent confirmer une vérité que nous soupçonnons depuis longtemps, au-delà de son “image écologique”. Chevron déploie des compensations de pacotille qui sont présumées sans valeur et qui, pour la plupart, sont susceptibles de causer des dommages aux communautés de première ligne. En outre, son énorme lobbying constitue un obstacle à l’action climatique forte dont nous avons besoin de toute urgence ».
Le dernier rapport du GIEC nous prévient que nous risquons de franchir des seuils irréversibles si nous ne prenons pas immédiatement des mesures radicales visant à réduire les émissions et à limiter l’utilisation des combustibles fossiles. Et pourtant, Chevron prévoit pour la période allant de 2022 à 2025 des émissions équivalentes à celles de dix pays européens au cours d’une période similaire. Pire encore, l’entreprise prévoit un investissement de 57,4 milliards de dollars US dans la seule expansion pétrolière d’ici la fin de la décennie.
L’année dernière, Chevron a mené des actions de lobbying sur plus de 150 projets de loi ou questions fédérales aux États-Unis, ciblant des politiques visant à réduire les émissions tout en en poussant d’autres qui légitimeraient davantage des programmes risqués et non éprouvés tels que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC). Entre 2020 et 2022, Chevron a consacré directement 20,8 millions de dollars US au lobbying rien qu’aux États-Unis. Ce chiffre ne prend même pas en compte la somme de plus de 310,5 millions de dollars US que ses groupes commerciaux partenaires ont dépensée au cours de la même période.
L’industrie des combustibles fossiles est responsable de la majeure partie des émissions mondiales de gaz à effet de serre et Chevron, l’entreprise détenue par des investisseurs, est responsable de la majeure partie de ces émissions. Cependant, les communautés de première ligne les plus touchées par ses activités sont les moins responsables de la crise climatique. C’est pourquoi des communautés issues de différents pays ont organisé la 10è Journée annuelle d’action #AntiChevron ce 21 mai pour dénoncer les dommages historiques et continus que l’entreprise inflige aux populations et à la planète.
« Le présent rapport fait la lumière sur la réalité que vit l’Union des communautés affectées par Texaco/Chevron (UDAPT) depuis près de trois décennies : l’impact désastreux de Chevron. Nous l’avons dit et répété, Chevron trompe et détruit, gâchant des vies, la nature et réduisant à néant la possibilité de vivre dans un monde sans émissions de combustibles fossiles », a déclaré Justino Piaguaje, Plaignant contre Chevron et leader de la Nation Indigène Siekopai UDAPT, basée en Équateur. « Le rapport souligne que l’entreprise Chevron a non seulement trahi les personnes directement touchées par Chevron-Texaco, mais qu’elle induit également le monde entier en erreur. C’est pourquoi, même dix ans après la création de la Journée Anti-Chevron, nous continuons à plaider contre Chevron, à défendre la planète et notre droit pour protéger nos moyens de subsistance ».
Le rapport propose une voie à suivre claire : les gouvernements, les actionnaires et les parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) doivent s’engager en faveur d’une élimination progressive et équitable des combustibles fossiles. Pour ce faire, il faudra de toute urgence mettre en œuvre les normes « Zéro émission réelle » détaillées dans l’exposé, s’engager à atteindre des objectifs contraignants de réduction des émissions, éviter de recourir à des programmes risqués tels que les compensations carbone, et fournir des ressources aux communautés locales et de première ligne pour répondre à la crise climatique.
Cette année, avant que Chevron ne présente son rapport annuel à ses actionnaires, les activistes et les communautés de première ligne du monde entier se réuniront pour prendre des mesures contre ses actes répréhensibles et son obstruction à une action significative en faveur du climat. À défaut des mesures de contrôle adéquates, le manque de reddition des comptes et l’écoblanchiment « zéro émission nette » de Chevron nous entraîneront encore plus loin sur la voie des dommages causés aux personnes et à la planète, ainsi que sur celle des changements climatiques irréversibles. Les entreprises de combustibles fossiles comme Chevron ne peuvent pas être autorisées à continuer d’alimenter la destruction. La destruction est peut-être au cœur des activités d’entreprises comme Chevron, mais la réponse mondiale aux changements climatiques doit se reposer sur une action et équitable. Il est temps que les actionnaires, le public, les décideurs politiques et les gouvernements mettent fin à la capacité de l’industrie des combustibles fossiles à nous priver d’un monde où les gens et la planète pourraient prospérer.
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